

La variation d’un indicateur de durabilité peut sembler peu lisible et difficile à interpréter sans la bonne méthodologie et les bons outils d’analyse. Pour les institutions financières, comprendre précisément les facteurs qui influencent ces évolutions est cependant essentiel. C’est la clé qui permet d’ajuster la stratégie d'investissement et de prendre les bonnes décisions.
Mais comment expliquer qu'un même indicateur, comme l'intensité carbone d'un portefeuille, par exemple, puisse varier significativement d'un trimestre à l'autre ? Quels sont les facteurs auxquels on peut réellement attribuer ces évolutions ? La réponse à ces questions passe d’abord par la bonne compréhension des facteurs susceptibles de faire varier un indicateur.
Le premier facteur, et sans doute le plus intuitif, est l'effet d'exposition. Il résulte directement des décisions actives prises par le gérant de portefeuille : l'achat de nouvelles positions, le renforcement des positions existantes ou le désinvestissement (total ou partiel) de certains actifs.
L'effet d'exposition est particulièrement important à isoler car il reflète la stratégie délibérée du gestionnaire. C'est sur ce facteur que le gérant a le plus de contrôle direct et qu'il peut agir pour aligner son portefeuille avec ses objectifs de durabilité.
Moins évident, mais tout aussi influent, l'effet de marché découle des fluctuations de prix des instruments financiers qui modifient leur pondération au sein du portefeuille. Ce facteur est indépendant des décisions actives du gérant et peut parfois masquer ou amplifier l'impact de ses choix d'investissement.
Par exemple, si les actions d'entreprises à forte intensité carbone surperforment le marché pendant une période donnée, leur poids relatif dans le portefeuille augmentera mécaniquement, dégradant potentiellement les indicateurs environnementaux, même sans aucun changement dans la composition du portefeuille.
Isoler cet effet est nécessaire pour distinguer ce qui relève des mouvements de marché de ce qui découle véritablement de la stratégie d'investissement. Sans cette distinction, un gérant pourrait être injustement pénalisé pour une dégradation d'indicateur qui ne reflète pas ses décisions d'allocation.
Le troisième facteur est lié à l’impact de la disponibilité et de la qualité des données ESG elles-mêmes, qu’elles proviennent de sources publiques ou privées.
Une amélioration de la couverture peut paradoxalement sembler dégrader certains indicateurs, simplement parce que davantage d'entreprises sont désormais prises en compte dans le calcul. À l'inverse, une réduction de la couverture peut artificiellement améliorer un indicateur en excluant du calcul certaines entreprises moins performantes.
Comprendre l'impact de ces variations de couverture est essentiel pour interpréter correctement l'évolution des indicateurs ESG et éviter les conclusions hâtives ou erronées sur la performance durable d'un portefeuille. Mais cette démarche n’est pas simple, car les sources sont nombreuses (en moyenne, une institution financière en utilise une dizaine) et les données sont souvent hétérogènes et demandent à être traitées pour être exploitables.
Enfin, les indicateurs ESG peuvent varier en raison de l'évolution intrinsèque des entreprises présentes dans le portefeuille. Une société peut améliorer sa performance environnementale, renforcer sa politique sociale ou modifier sa gouvernance, impactant ainsi les indicateurs du portefeuille sans que sa pondération ait changé.
Ces évolutions peuvent résulter d'efforts réels des entreprises pour améliorer leurs pratiques, mais aussi parfois de changements dans leurs méthodologies de reporting ou de calcul. Distinguer ces deux aspects est crucial pour évaluer la performance ESG réelle du portefeuille.
L'effet des positions investies est particulièrement important à surveiller, car il peut révéler l'efficacité des politiques d'engagement actionnarial. Si un investisseur a activement dialogué avec une entreprise pour l'encourager à améliorer ses pratiques, l'amélioration des données ESG de cette entreprise constitue un indicateur de succès de cette démarche.
Dans un monde où la finance durable devient la norme, les institutions financières qui seront capables d’identifier rapidement ces différents facteurs disposeront d'un avantage concurrentiel significatif et pourront mettre la technologie au service de leur performance durable. Elles seront en effet en mesure de fixer des objectifs ambitieux, de surveiller leurs progrès en temps réel et de les communiquer plus facilement à toutes leurs parties prenantes.